Le sillon secret pour me suivre...


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lundi 4 mars 2013

Combats a 5000 : Parc National El Cocuy


Départ de Villa de Leyva pour El Cocuy, l'un des deux petits villages proches des montagne de la Sierra Nevada, dans le département de Boyaca. Il existe en Colombie trois chaînes montagneuses principales la cordillère Orientale des Andes, la cordillère Centrale, et la cordillère Occidentale, qui se rejoignent vers la frontière equatorienne. Pourtant le plus haut sommet colombien se trouve séparé de ses trois cordillères, il trône en solitaire tranquille a 5775m a l'extrême nord de la colombie, proche de la cote des caraïbes. Ces trois cordillères sont parallèles, et transpercent la colombie de part en part, du nord-est au Sud-ouest, créant ainsi deux sortes de longs couloirs. La Sierra Nevada prend donc forme dans la partie la plus haute de cette cordillère orientale, composée de plus d'une vingtaine de pics entre 4000 et 5000 avec notamment le Ritacuba Blanco qui domine a 5330m d'altitude... au revoir le mont blanc. Cette concentration de croissance montagneuse possède ainsi de nombreux glaciers a l'origine d'une centaine de lacs, et de vallées dont la végétation est parfois luxuriante. Sur 30km, on trouve pas moins de 22 pics a plus de 4000m, et la limite de la neige est a environ 4800m. Cet aggloméras est relativement compact, donc accessible, dont les deux portes d'entrées sont les villages de El Cocuy et Guican.  Quelques bus rallient directement El Cocuy depuis Tunja, intermédiaire entre Villa de Leyva et Bogota, mais le terrain est extrêmement accidenté, malgré les 300km il ne faut pas moins de 12h pour accéder a El Cocuy, un bus de nuit est idéal malgré les routes étriquées.







Jour 1 : Dimanche 24 Février

Je suis arrive par le bus de nuit, il est 4h du matin. Au terminal de Tunja, j'ai la chance d'avoir rencontrer Jimmy, un guide local de El Cocoy qui retourne chez lui fier d'avoir investis dans un Blackberry avec lequel il peut aussi écouter de la musique. Il m'a repéré car je lis La marche dans le ciel - 5000km a pied a travers l'Hymalaya, superbe bouquin de Sylvain Tesson et Alexandre Poussin sur leur aventure Transhymalayenne. La mienne est Transandenne! Bref la couverture affiche de fiers montagnes, et comme j'ai fais quelques courses auparavant (nourriture, tapis de sol, gamelle,...) mon sac ne le trompe pas, il a l'oeil avise! Bref il m'emmène chez lui on je termine la nuit. Sa maison est extrêmement simple, faite de blocs de parpaings non peints, il possède tout de même 2 lits.



Carte fournie a l'entrée du parc.





Jour 2 : Lundi 25 Fevrier

Réveil a nouveau a 8h30, les 4h de sommeils sont du pain bénis, je m'attendais a devoir lutter quelques heures dans le froid en attendant le soleil. J'ai cru comprendre que quelques groupes comptaient partir faire le tour du parc national. Cela prend en principe 6 jours avec guide. Ce n'est pas conseille de partir seul, en effet en montagne un accident arrive vite a n'importe qui, seul signifie souvent un risque fort pour le montagnard, quelque soit son niveau. Je n'ai en plus pas encore de téléphone. Je prépare donc un trek indépendant avec Jimmy, nous ne ferons pas le tour complet, mais il existe quelques refuge et coin pour camper depuis lesquels on peut aisément faire un sommet a la journée. Nous allons louer une tente et un réchaud. Ensuite on s'occupe des courses de nourriture pour l'équivalent de 3 nuits. Nous monterons en moto jusqu'au départ du trek, le lechero (camion qui apporte chaque matin le lait dans les villages recules) et qui a pour habitude d'emmener avec lui quelques trekeurs pour peu d'argent ne pars que le matin a 6h. Dommage!

Jimmy et son joujou rouille qui ne marche plus


Jimmy m'annonce alors le prix... 500.000 pesos. Hum, près de 250 euros pour 3 jours... Disculpe Jimmy pero esta es muchos dinero!  J'avais compris 50.000 initialement, je marchais sur un faux nuage! Bref, jimmy est abattu, et moi cerne par l'envie de crapahuter et d'économiser pour un 6000 que je compte bien faire un peu plus tard. Je partirais donc seul. Je suis sur de rencontrer d'autres trekeurs sur place avec leur guide, je n'aurais qu'a les suivre!! Mais hors de question d'attendre demain matin encore, mes jours en colombie sont comptes, d'autres pics attendent mes pas. Jimmy me monte en moto jusqu'au départ, mon gros sac sur le dos, j'ai tout de même pu laisser quelques affaires chez lui, mon sac fait 15kg au lieu de 20! Je pars donc dans ma tete pour 3 jours extensible a 4. Je vais aussi m'enregistrer auprès des guides du parcs pour qu'on puisse s'inquiéter en cas d'absence prolongée et lancer des recherches. 35.000 pesos, pas donner mais c'est obligatoire. Le trajet en moto est scabreux, mon sac valdingue de gauche a droite dans les virages manquant d'emporter la moto entre buissons et ravins a plusieurs reprises. Au col, il m'indique au loin le chemin a suivre pour rejoindre au Sud du parc la première Cabanas (refuge) a cote du quel je pourrais poser ma tente, il n'y a qu'a suivre le chemin! J'installe donc ma tente au Laguna Pintada après 2 h de marche dans une première ébauche végétale du parc plutôt convaincante! Ces sortes de cactus edelweiss, les Frajilones poussent partout ici, on en trouve parfois de 3m même, soit 300 ans! Je ne suis donc qu'une infime fraction de temps lorsque je marche a leur cote, pourtant ce sont les seuls a me tenir compagnie! Au refuge je rencontre en effet quelques personnes. Un groupe de professionnels travaillant dans des agences de voyages diverses d'allemagne tout frais payer par le gouvernement colombien pour promouvoir le tourisme. Ca a du beau comme metier... N'empêche leur programme est farfelu, la Colombie en une semaine, hahaha impossible! Et bien si, Leitica en 1 jour (foret amazonienne a la frontière du Perou, paradisiaque parait-il), El cocuy en 1 jour dont un sommet a 5000m, et 1 jour a Bogota, le reste c'est du transport... mouai. Bref il ne ferons jamais ce sommet, tout le monde a le mal de montagne, evidemment. Le refuge est déjà lui-même a 4000m. Je rencontre aussi un couple de jeune francais, lui fais 3 mois en Colombie et elle la rejoins 3 semaines au milieu, je suis jaloux. Il vont faire El pulpito del Diablo le lendemain, ca tombe bien moi aussi!

Depuis ma tente


Fier hombre





Jour 3 : Mardi 26 Fevrier

 El Pulpito del Diablo est un sommet mythique d'amerique du sud, une sorte de molaire seule a 5100m et a cote le Pan de Azucar a 5120m (cette fois ci il s'agit du Pan de Azucar colombien, celui ci recouvert de neige dont le glacier nécessite un équipement spécial, tant pis pour moi.) Je ne pourrais accéder qu'a la limite de la neige soit a 4900m, bon début. Mais tout va bien, d'ici 2030 le glacier aura fondu, on pourra alors monter en haut sans équipement particulier autre qu'un peu de courage et de souffle.... Selon la légende locale, au Pulpito del Diablo, le diable apparaît au nouvel an, pas de soucis c'était il y a 2 mois! Réveil 5h30. Petit déjeuner a base de cereales con leche, lait en poudre bien sur! Un verre aussi de Agua pannela est aussi indispensable. Il s'agit d'un massif bloc de sucre roux, avant que celui ci ne soit transformée, on peut le dissoudre dans l'eau chaude, il est recommande contre le mal de montagne et apporte de nombreuses calories nécessaire l'ascension. Bref une sorte de sucre super bio et riche de bonnes conséquences, je prends!

Au reveil

Les français sont déjà partis mais je les rattrapent assez vite, lorsqu'au détour d'une butte... aucune trace d'eux! Bizarre, ils ont du se reposer et je ne les aurais pas vu...?  Je continue sur un chemin de crêtes, toute végétation a alors disparue, il n'y a que rocs piques que dis-je péninsules. La roche est est grise sombre voir noire. Je suis seul, une lourde nappe blanche s'est installée et ne quitte plus les cimes, le brouillard est dense mais encore un peu plus haut, pour l'instant j'ai de la visibilité. J'évolue rapidement, le souffle court tout de même, au détour d'une crête, un lac m'apparaît. Superbe. Bleu fonce turquoise... profond, dense, calme. Il fonctionne parfaitement avec ce décor d'éboulis gris sombre. Je continue a grimper, j'arrive alors contre la falaise, jaune et noir. Je la longe malgré le petites cascades qui en découlent, j'arrive alors sur de gigantesques dalles de pierres beiges, qui monte en escaliers réguliers vers le glacier. Au-delà, un brouillard laiteux. Toujours pas de français, je suis seul dans ce monde hostile. Je grimpe tant bien que mal, je suis les quelques cairns qui disparaissent progressivement ou s'éparpillent. Je ne peux pas être au bon endroit... pourtant le chemin, les cairns... la carte est carrément simplette. Je grimpe des murs pendant encore une heure, mes chaussures d'approche d'escalade me sont bien utiles, quelques pas d'escalade en 5 (pas plus) sont nécessaires pour franchir parfois un escalier. Je longe le glacier dont je vois les dessous, quels univers, j'en ai des frissons. Si la plaque se mettait a glisser, je serais emporte comme un pâquerette broutée inconsciemment par une bête vache. Je m'éloigne, et rebrousse chemin.

Sur le chemin pour me perdre



Etonnante plante


Au loin j'aperçois une sorte de pli entre deux montagnes, un col, on dirait qu'un léger sillon y parviens, très léger. Azimut droit sur ce semblant de col, a travers les pierriers et d'autres escalier de garnit noirs cette fois. Il est 10h. Je vois alors deux vestes Quechua dégringoler un pierrier, un chemin se profils en contrebas, j'ai retrouvé la trace des français et par la même occasion du sommet! Je grimpe alors avec détermination, sautant de bloc en bloc, je suis au col en 30 minutes. De la, de massive dalles de granit noir et gris encore se transforment progressivement en dalles blanches jaunes et rouge sang, la montagne fait chanter ses palettes! A travers une déchirure de brouillard, el Pulpito del Diablo dévoile un morceau de sa canine!

Traces de passage du glacier

Palette de couleur qui evolue

 J'avance maintenant avec détermination dans sa direction mais suis ralentis par mon souffle. A 11h je suis au pied de la neige. Brouillard épais. J'attends une dizaine de minutes persuade d'avoir mérité le dévoilement, les français sont redescendus bredouille. Vent fort, mouvements d'air, il est 11h15, le soleil commence a changer la température, le voile se lève, et les cimes me tire leur révérence. C'est superbe, je suis excite, je cours dans toutes les directions pour multiplier mes points de vues photographiques. Le Pan de Azucar lève alors son voile a son tour, cime sucrée dans son lait de brouillard, je plisse les yeux pour en distinguer les traits.



El Pulpito del Diablo

Pan de Azucar a son tour




12h, la faim me rattrape, après quelques acrobaties de zouave, je redescend le pas léger vers la vallée. J'étais au dessus du mont blanc tout de même...

Lynbirynthe de chemins, raison pour laquelle on se pom' facilement dans un brouillard.

Pâte de fruits colombienne, enroulées dans une feuille de bananier car biodégradable!


Jour 4 : Mercredi 27 Février

J'ai rencontre hier un petit groupe qui va commencer un tour complet sur 6 jours, une américaine 50 ans  complètement atteint par le mal de montagne et un français de 40 ans bavard comme un moulin a paroles! Leur guide colombienLaguna de la Plaza ou je camperais en leur compagnie. C'est la 1ere étape du tour, ensuite j'ai repère sur ma carte un itinéraire qui coupe cette longue boucle, pour rejoindre de l'autre cote la Haciendas la Esperanza d'où l'on peut aussi faire des treks a la journée. 6 heures de marches sont prévues aujourd'hui, passant par les cols A et B (voir la carte jointe), respectivement le Paso Cusiri et Patio Bolas.

Lecture a la frontale


J'ai le pas rapide, je prends de l'avance sur le groupe, le chemin est relativement bien tracé même si j'hésite parfois sur un embranchement. De toute façon, il faut monter! Au col je vois défiler dans l'autre sens une bonne vingtaine de personnes, équivalent de 3 ou 4 groupes. Moi qui pensais que le parc n'était pas connu, il est tout de même pas mal fréquentée. Journée radieuse jusque la, mais après le col je plonge dans les nuages!





Je croise une allemande qui se dit impressionnée de me voir bondir si rapidement dans les cailloux "looks like you're a professionnal!" Et bien, on n'a jamais vu un Dahut madame!? Je vous assure qu'ils sont bien plus agiles! N'empêche, bonne tactique de drague! Je remonte progressivement entre des végétaux de plus en plus nombreux, des minis lacs apparaissent, les mousses vertes rouges jaunes... sont partout. D'un coup la végétation disparaît, le terrain deviens lunaire. Comme des millions de copeaux de tuiles marron, noir ou jaune qui forment des dunes. Ça grimpe fort, enfin le second col! Mais un crachin a la bretonne me poursuit a présent. Le sol est gorgé d'eau a la descente, je comprend pourquoi on m'avais dit d'acheter des bottes pour le trek. Enfin tout de même des bottes... lourd, encombrant, ... au sautant sur les mousses verte les plus grosses, on découvre en fait qu'elles sont durs comme du béton! Voila la tactique pour évoluer en terrain sec, étonnant tout de même, les mousses vertes sont en fait les plus dures. Drôle d'endroit la lune, mais fier de pouvoir la fouler comme Tintin!



Je longe a présent de hautes murailles de pierres blanches correspondants aux sommets Campanillas Negro et Blanco. Le chemin s'est frayé une ligne dans les pierriers. Je croise un groupe de français et belge avec leur guide, suivis pas un américain qui a eu manifestement la même bonne idée que moi, suivre un groupe. En fait lui aussi chemine un peu devant comme si il évoluait seul, bien vu! Les français sont déterminants, ils me disent que je dois absolument continuer le tour avec le groupe que je précède a présent. Hésitations. De toute façon je vais jusqu'au lac et j'y campe je déciderais demain. Le lac est en vue, magnifique étendue d'eau cernée de sommets. Les roches a droites sont bleus, grises, rouges, roses... a gauche, des falaises blanches s'effritent et dominent le lac. Ces deux sommets massifs, El Diamante (le diamant donc) et le Toti tout deux a 4800m forme une gigantesque porte dont le col que je prévois de passer le lendemain Bella vista. Complique. pas de chemin, il fut monter un pierrier (ou plutôt un sablier) tout droit jusqu'au col, pendant 3h.... on verra demain.

Campements et ses tas de pierres protègent un peu du vent les tentes



Au centre le fameux passage sur l'autre cote de la chaîne montagneuse. Scabreux.




Il est 1h je suis arrive, j'ai mis finalement 4h30. Un type apparaît de nul part, comme le génie d'aladin. Il se considère artiste mais ressemble parfaitement a un clochard, 6 vestes trouées et crasseuses sur lui, il tente de partager mon repas. mais qu'est ce qu'un type comme ça fait ici, pomme en plein parc national a 4200m!??  Il m'explique qu'il aime a s'inspirer des formidables montagnes pour dessiner, jusque la je comprend malgré l'espagnol-anglais qu'il me baragouine. Il m'explique qu'en regardant les montagnes, ils voit a travers des lignes de forces, le lac plat et falaises verticales, il dessine leur composition chimique "yes you know el nuclear composition, the physic nuclear, nuclear baoum, disintergration", ahun... Ensuite je ne capte plus rien. Franchement givré, je lui met ca sur le compte du mal de montagne, ne cherchez pas d'explication rationnelle, ne faites pas semblant d'avoir compris, il n'y a rien a comprendre. Il se prend ensuite pour un avion dans les nuages. Photos a l'appui. Je déguerpis, je vais faire le tour du lac, pas question d'y laisser mon sac et ma tente! Le tour du lac s'avère un calvaire, la piste se perd toutes les minutes, un labyrinthe, je la retrouve pour aussitôt la reperdre, de plus le brouillard s'épaissit. En principe il suffit de longer les berges mais comme le lac est grand et qu'il y a des falaises... 3 heures durant je galère, je glisse, je grimpe, a bout d force, je rejoins mon point de départ. Tout ça pour ça. Le groupe est déjà installe, a mon tour! Après un plongeon dans le lac a 4200 plutôt frais mais au moins qui a le mérite de me laver, j'en avais besoin au moins pour sauver la mauvaise réputation des français, petit repas a base de pattes desséchées et au duvet!


Le fou

Le voila qui vole...




Juste avant la pluie au campement!




Jour 5 : Jeudi 28 Février

La nuit porte conseil. Je ne ferais finalement pas ce col dangereux qui après discussions avec le guide est long et nécessite un peu de matériel, éventuellement une corde car il y a marche sur un névé après le col. En solo, pas question. deux possibilités, demi-tour, ou en avant guingam! "Il n'y a rien de pire pour le marcheur que de revenir sur ses pas, c'est terriblement ennuyeux" tire du livre que je lis, La marche dans le ciel. Je fais confiance, et je me lance donc dans le tours complet. J'ai de quoi tenir encore 2-3 jours en nourriture et gaz, mais le guide m'assure qu'il peut me donner a manger, il en a beaucoup et serais heureux de s'alléger. Je pars donc en tête, il faut en principe 5h pour rallier le prochain campement, Lago del Panuelo et un seul col.

 Le temps est pluvieux, je marche rapidement, la journée s'annonce mauvaise, on ne voit rien a 10 mètres alors que les paysages sont supposes beaux. Les nuages ne décampent pas, coinces par les pics. Je laisse sur ma gauche le Toti et le Portales, alors invisible. J'évolue longtemps, le temps parait interminable, je marche pour marcher, rien a voir. La pente se fait de plus en plus dur, les méninges s'agitent dans des réflexions profondes il n'y a que ça a faire. J'arrive progressivement sur Mars. Même paysage lunaire mais en rouge cette fois ci, tout a fait impressionnant dans la brume épaisse, on dirait que la roche est en fusion.

Bienvenue sur Mars


 Le relief évolue en montagnes russes, descentes et montées infernales se succèdent difficile de prendre un rythme. Je perds plusieurs fois le chemin, entre gros pierriers ou je bondis et végétation ou je me faufile en évitant les marais.

La couleur de la végétation est exceptionnelle, et rattrape en partie le temps pluvieux.
En fin de compte, une mèche rousse me va pas si mal...

Un marais
 
Je perfectionne alors ma technique de marche, dans les pierriers je calcul le prochain rocher, je fléchis, cambre les tendons, bondis, amortis, prévois déjà le prochain rocher au cas ou celui choisis n'était pas stable, hop hop hop hop. Heureusement que quelques petits cairns sont présent . Parfois ces derniers sont introuvables, peut être coincés dans la brume a moins que le vent ne les ait souffle? Travail épuisant que de chercher sans arrêt son chemin, suivre un guide et parfois abrutissant mais au moins rassurant. Dans les monter je passe en régime lent et moteur de 4*4, en descente tout se fait a l'amortis, une tendinite apparaît doucement dans l'épaule droite, la douleur s'intensifie lorsque le sac bascule a gauche ou a droite, surtout rester bien droit... La montée s'intensifie alors, je suis a l'assaut du col. J'avance péniblement sur une poudre de pierre noire, dans une pente a 50%. Je trépigne, je force, je m'arrête souvent. Longue montée, j'arrive enfin au col. Toute la roche est noire, il pleut fort a présent, je suis trempe a 4500, le brouillard est plus dense que jamais. Déprimant. Le vent souffle fort, je gèle petit a petit. Journée cauchemardesque non finie. Ce col ressemble au repère du diable, des masses noires rocheuses et crochues déchirent parfois le brouillard, j'en range mon appareil photo pour la 1ere fois depuis Caracas.

Le repère du diable, et les cairns qui longent la falaise, bien vu le diable!

Pommé
 Je ne traîne pas, le col donne sur une falaise qu'il faut descendre par un petit sentier tout aussi raide que la montée mais glissant de pluie, calvaire dans le dos. Je devrais être maintenant arrive au lac Panuelo, je n'y vois goutte, je suis pomme. Enfin, après une demi heure, j'apercois un bout de lac et des cercles de pierres qui annonce le campement. Il est 12h seulement. Le campement est couvert de coquilles d'oeufs, d'autres détritus, sale, il pleut sans cesse, il fait froid, tout est laid. Hors de question que je m'installe ici, je mange un sandwich sans goût qui me laisse la bouche pâteuse, et je repars, tant pis pour le groupe je ne les attend plus, je file vers le Laguna El Rincon. Je remonte a présent dans une sorte de canyon, de longues lames de pierres rouges qui m'emmènent dans une pente raide vers le nouveau col El castillo a 4550m. Je me perds une bonne cinquantaine de fois, de toute manière je dois monter. Après 1h30 de lutte sur la roche crisseuse et la pluie (concerto pour marcheur!), j'atteins le col, rassure par le panneau de bois en fin de vie. Décidément, journée peu glorieuse. J'entreprends la descente. Je suis donc passe par le repère du diable, par sa gueule près du lac Panuelo ou la nourriture de déchets etait acheminée par l'eau qui coule en abondance vers le lac, l'estomac. Le col est constitues de pierres noirs et rouges qui s'effritent dans tout les sens, tout tombe en ruine, c'est l'enfer, et les crissements des pierres sous mes chaussures sont les cris des âmes damnées. Je deviens un peu fou. Je suis cerné par les ruines quand je descends, en passant la main sur les parois rocheuses, la roche s'effrite en sable, tout menace de s'écrouler ici. Petit a petit le brouillard se dilate, et laisse enfin apparaître au loin  le prochain campement Laguna el Ricon, sonne comme une victoire.
Ambiance sombre...
 Autour de moi apparaît a ma gauche les sommets San Pablin Norte 5200 et San Pablin Sur 5100. A droite en enfilade, Triangulo del Sur, Pico de Antonio, et El castillo, franges dans les 5000 aussi. Ces gigantesques glaciers blancs et acérés dévalent les montagnes, écrasant la roche sur leur passage, contrastant avec le rouge de la roche. C'est une bataille d'une autre dimension qui se mène ici, alors que je marche, microscopique. Bataille céleste, les nuages se déchirent, la lumière apportée des glaciers contre la noirceur de la roche, rouge de sang, une bataille du ciel contre la terre, l'eau ravage et pourris la roche, dieu contre le diable, les éléments s'accrochent, se violentes, je suis un petit verre de terre qui se faufile sans demander son reste.

Les ruines

La bataille des titans

Le sang bouillonnant fini dans le lac

Je deviens fou.




Jour 6 : Vendredi 29 Février

La bataille a fait rage toute la nuit, la tente est trempée, mon sac aussi. Je prépare malgré tout un petit déjeuner chaud, avec mon briquet qui ne fait plus que des étincelles. A 10m de moi, un couple voyage seul aussi, un canadien et une colombienne super sympa, mon âge environ, ils me filent un bout de carte précis la partie qu'ils ont déjà faite avec des détails intéressant et de bon endroits pour dormir. Je leur dit A DIEU, ils vont en direction de l'enfer, je m'en éloigne le coeur presse. Longue descente a travers un pierrier, j'atterris dans une vaste pleine, un gigantesque marécage en fait, mais le sol est plat. Merci les glaciers. Magnifique marécage a perte de vue, il faut sauter de mousses vertes en mousses vertes.
Les fameuses mousses vertes, c'est mario en vrai!

Marécages, éviter de ce perdre ici.
 Je longe un large ruisseau, et tombe sur un groupe qui va aussi vers l'enfer. Parmi eux, un belge en archi, il a entendu parler de moi quelques jours auparavant je ne sais pas comment, echange de mails, il va etudier l'annee prochaine a grenoble! Vaste monde parfois tout petit. J'avance tres vite, j'atteins le Laguna el Avellanal a 10h je suis partit a 7h30 apres le reveil humide a 6h. C'est le lieu de campemant prevu du groupe que je devais suivre. L'ecart se creuse. Sur ma gauche s'etend une large et longue chaine de montagnes, dont le Puntiagudo, Picacho (pas Pikachu), le fameux Ritacuba Blanco a 5330m et son voison Ritacuba Negro ainsi que Ritacuba Norte. Endroit superbe, il y a meme des caves dans lesquelles on peut aisement camper. Les nuages ont finis pas se dissipper un peu, ils sont haut dans le ciel, superbe vue sur la vallee marecageuse derriere moi et une enfilade de lacs (El tigre, La cueva, Los pastos) au pied des cimes. D'autres cimes et d'autres galciers apparaissent sur la droite, je suis cerne de beaute, il suffisait de marcher, et ma foi j'ai marche!

Fin du marecage!

Les cimes en enfillade, a leur pied les lacs formant un plateau avant la pleine. Superbe.


Alors que els sommets temtent de s'arracher aux nuages.



Je pense a Vol de Nuit.

Je grimpe le col le plus haut de tout le parcours a present, tout a fait epuisant, j'ai l'impession de trainer des sacs de patates a mes jambes. 10 pas, une pause. Le sac est lourd. Le vent me pousse vers le haut du col heureusement, je bataille, et j'accede a la delivrance a 4650m paso de la Sierra, apres 30 min. Un panorama superbe de chaque cote du col s'offre a moi, mon dut. Magique.Sur ma droite, un pic absolument superbe dont degringole des seracs jusqu'au Laguna la Isla. Il Semble qu'il s'agisse du pico Manaba. Sa pointe piramidale rouge transperce le glacier sur un fond bleu d'ancre, il me fait penser a l'aiguille Bonatti, en moins beau quand meme je vous rassure! Bref paysage a decrocher une lune, qui parait timide tout a coup.

Dorsale de requin
 
Manabu et son glacier

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Devant moi

Derriere moi
 
Je descend a toute vitesse, bondis de pierres en pierres, me retourne sans arret pour aguicher la cime magistrale, longe ensuite une veritable muraille de 5000m infranchissable dont les pointes sont couvertes de glaciers comme une croute de sucre glace sur des cornets geants, j'entamme une longue descente, remonte progressivement, m'acharne sur le dernier col Frailes a 4300m et debouche sur le Laguna Grande de los Verdes, bleu nuit, magistrale de platitude, entouree de paturages herbeux raz a en rendre jaloux meme un anglais!! Il est 2h et je foule le sable blanc au bord du lac (oui oui une plage de sable blanc!), le soleil finit de me griller le nez.
La muraille des 5000


Laguna de los grande verdes

C'est ici que je passerais le nuit. MAIS. Sur un coup de tete, je repars, direction col de Cardinellio, la marche fulgurante reprend malgre mes pieds qui me supplient d'arreter. Pas de chemin ici, je marche dans cette herbe qui grimpe sur les pentes. Totalement perdu et entoure de centaines de moutons bien poilus (pas si perdu que ca donc!). Ingenieux ces colombiens, les grandes pentes d'herbes sont vertes car tres humides, de tres nombreuses tranchees sont alors creusees afin de canaliser l'eau, le principe meme d'un drains, cela permet aux moutons de broutter tranquillement sans s'enliser, alors que je prends soins d'eviter de marcher dans les dejections des moutons. Impossible, trop nombreuses. Apres 1h30 de galere pour trouver le col, j'y debouche par instinct, a 4400m il est 3h30, je sens la nuit qui me pend deja au nez, epuisee je dois encore rejoindre la Kabanas Kanawara. 

Dernier col dans un style assez macabre, des petites croix de boix recovrent le cairn final.

 Je marche toujours vite, je devale les pentes. Sur la route que j'ai rejoins je croise un groupe de colombiens occupes a echanger des sacs sur leur motos. Franchement suspect, ils terminent en hate avant que j'arrive, on se salue, je ne m'arrete pas. L'endroit est paume donc ideal, je sais que ce qu'il reste des champs de pavots colombiens sont dans les parcs nationaux car il est interdit aux avions de lacher des desherbants dans ces regions protegees, les petits filous! Ils me gratifient d'un sourire de ne pas m'arreter j'imagine, je force la cadence. A 6h30 du soir, je suis enfin en vue du campement. 11h de marche, je viens d'effectuer en un jour l'equivalent de deux gros jours de marche. OUPS! Je partage un delicieux repas typique alors avec un Israelien de 55 ans qui vient ici une fois par an avec un sacre matos photographique. Il m'assure que c'est un record qu'il n'a jamais vu de faire la treversee avec un sac de campement en 3 jours, flatte comme un paon, je me retire dans mes appartements encore humides, pour une nuit meritee. Demain je pars pour Bogota.

1 commentaire:

  1. Superbe récit et photos, ça donne envie, je vais sûrement faire cette marche bientôt !

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